Théodore Agrippa d’Aubigné naît en 1552 d’une famille noble protestante. Sa mère morte en couches, l’enfant est confié à Jeanne d’Albret, la mère d’Henri de Navarre. Écuyer, puis maréchal de camp du futur Henri IV, il le servira fidèlement jusqu’à ce que le souverain engage une politique de conciliation que d’Aubigné considère comme une erreur et une traîtrise.

Agrippa s’est très tôt engagé dans la cause protestante. Convié par son père au spectacle horrifique des têtes décapitées des conjurés d’Amboise, il en sort convaincu d’injustice et fait la promesse de militer jusqu’à la mort. Le poète et le militant resteront alors indissociables en lui, et son œuvre consistera à transmettre le souvenir d’une France agonisante où règnent une intolérance barbare, et une soif insatiable de vengeance.

Blessé lors d’une embuscade à Beauce, en 1570, le soldat protestant se retire dans le domaine familial de Landes-Guynemer où il rencontre Diane de Salviati, la nièce de la célèbre Cassandre, muse du poète Ronsard dont il admire l’œuvre. Mais leurs fiançailles sont bientôt rompues par le père de Diane qui discute leur différend religieux.

De 1571 à 1573, le jeune Agrippa prend de nouvelles armes, épanchant de sa plume la souffrance d’un amour contrarié et déçu, dans le flot ensanglanté et brûlant de vers élégiaques très pétrarquistes et qui ne seront publiés que de façon posthume, en 1874: Le Printemps et l’ Hécatombe à Diane. Sombre et pathétique, des stances et de la centaine de sonnets se dégage le style violent, macabre et épique de l’auteur des Tragiques.
À la fin de sa vie, il répondra à ces œuvres de jeunesse par un recueil intitulé L’Hiver.

Son amour se reporte finalement sur Suzanne de Lezay qu’il épouse en 1583, et dont il aura un fils, père de Françoise d’Aubigné, la future Madame de Maintenon, célèbre maîtresse du roi Louis XIV. Laissé pour mort après une énième bataille, en 1577, d’Aubigné se réveille de ses blessures dans une vision toute mystique: une vierge l’aurait investi du rôle de mémorialiste, lui commandant de raconter la traque catholique et le martyr des protestants.
Abandonnant la poésie profane pour atteindre au grave et au sacré, d’Aubigné écrit Les Aventures du baron Faeneste (1617) qui opposent les deux modes de vie catholique et protestant, La Confession catholique de M. de Sancy qui stigmatise les conversions forcées (posth. 1660); L’Histoire universelle –condamnée à l’autodafé en 1620– propose une chronique des conflits religieux. Mais ses ouvrages restent trop engagés pour être considérés comme historiques, marqués par les convictions les plus indiscutables du partisan protestant.