La Naples de son Dictionnaire amoureux est la Naples qu’il a vécue au quotidien, au fil d’années violentes traversées par un tremblements de terre, les guerres de clans camorristes. A partir de son expérience intime, sensuelle et culturelle, il célèbre le " génie " d’une forme de vie napolitaine, d’une " civilisation " unique en Europe. Son rapport à Naples passe par une gourmandise insatiable pour toutes les nourritures, beautés, merveilles et bizarreries, de cette immense corne d’abondance qu’est l’ancienne capitale du Royaume des Deux Siciles. N'importe quelle entrée du Dictionnaire ouvre sur une débauche de couleurs, de cris, de saveurs, et vous êtes dans une Naples baroque, de ce " baroque existentiel ", qui se retrouve et circule partout, de la sfogliatella, " blond coquillage chaud " dégusté le matin à la pénombre des hypogées, aux volutes d’or des monastères et aux voix d’anges du San Carlo.
Dans la perspective réaliste qu’il imprime à ce Dictionnaire amoureux, Schifano qu’on dit volontiers, là-bas, " fils du Vésuve " n’en reste pas moins romancier et mythologue. Romancier captant et restituant, au plus près de la vie, les détails, les gestes, les présences qui remplissent chaque page de personnages à la fois réels et fabuleux, à l’instar de ceux qui peuplent les crèches. Et mythologue parce qu’à Naples, terre de Parthénope et d’Ulysse, d’Enée et de saint Janvier, et de Pulcinella, les histoires vraies trouvent leur éclairage le plus profond dans le mythe, tout renvoyant à un ensemble de signes, de connivences, de passages, qui fonde le sentiment d’être ou de ne pas être, physiquement, mentalement, par le rire et les larmes, napolitain.