Tant que dura l’Empire, le bocage de l’ancien Maine abrita les Chouans. Ils ne cédèrent qu’en 1815, et beaucoup d’hommes qui vivaient là furent déchirés entre deux devoirs : la fidélité à l’Ancien Régime et l’impôt du sang à payer au pays. L’auteur appartient à une lignée de verriers et de forestiers, dont les traces se retrouvent dans cette vieille terre royale jusque avant la Révolution ; et, de la Sarthe d’aujourd’hui, il connaît le terroir et les hommes. Avec les papiers de famille rédigés par les notaires royaux — ou bien écrits à la Grande Armée — avec aussi le trésor des Mémoires et des Correspondances, il y avait matière à raconter la période incertaine 1812-1813, telle que les gens de l’Ouest la vécurent, à travers les gloires et les sacrifices, et tous les drames qu’elle fit éclore parmi eux. Cependant, l’Histoire — témoin irrécusable mais insensible — méconnaît les joies et les haines, les sursauts et les abandons, et tous les incendies qui embrasent les cœurs, comme aussi la vie de la terre, les bruits et les nuances, le profond des bois et l’eau des rivières : tout cela, qui appartient à l’art du roman et que nul autre ne peut traduire. Sans que soient jamais trahis les faits authentiques, on rencontrera sur les routes et dans les forêts, dans les châteaux, les humbles fermes et les auberges, et aux armées, des personnages subtils aux caractères étonnants, qui allaient par leurs voies secrètes — ou qui couraient la Poste à travers la province — et qui furent les acteurs chaleureux de ces années ; on reconnaîtra les lieux, sauf l’imaginaire village de Riant, et l’on ira jusqu’à Moscou. Et le lecteur n’oubliera pas Matthieu Soleil, vicomte de Riant, cavalier d’élite et franc compagnon, dont les vingt ans généreux s’épanouirent en cette époque hasardeuse, dans la Bretagne et le Maine, et sous le soleil rouge de l’hiver russe. En ce premier roman, Jacques Landier révèle un tempérament d’écrivain, dans la lignée de ses prédécesseurs normands, Barbey d’Aurevilly et La Varende.