En 1914, la France vit encore au rythme du XIXe siècle. Puissante, brillante parfois, mais attachée aux valeurs traditionnelles, et plus lente que d'autres à se moderniser, elle est pourtant déjà atteinte, dans sa vitalité même, par un grave déclin démographique. Trois crises profondes la frappent successivement, et viennent briser un élan qui avait semblé prometteur : la Première Guerre mondiale, la crise mondiale de 1929, la Deuxième Guerre mondiale. Bouleversant les effets des vieilles structures françaises - plus que ces structures mêmes - elles laissent la France en plein désarroi moral. C'est alors 1940.
Mais la dernière crise, par son ampleur exceptionnelle, aura finalement été bénéfique : en 1945, l'immensité des ruines, le sursaut national, le renouveau démographique poussent résolument la France dans la voie d'une mutation désormais irréversible. À travers les crises politiques ou financières, les drames de la décolonisation, les problèmes sociaux et les à-coups de l'économie, les aléas de la construction européenne, les souffrances des adaptations nécessaires, se dessine une France nouvelle.
Cette lutte entre le passé et le présent - sinon l'avenir - forme la trame de ce livre. On ne trouve point ici d'histoire proprement politique, mais on voit la situation politique apparaître, tantôt comme une cause, tantôt comme une conséquence des structures économiques ou financières, sociales ou démographiques. Ces structures sont l'objet principal de l'étude, mais on mesure aussi bien l'effet des grands événements ou des transformations techniques, l'évolution des mentalités ou celle du niveau de vie.
Par-dessus tout, au-delà des chiffres, des statistiques ou des graphiques explicatifs, ce livre souhaite donner - par sa présentation claire, son style direct et vivant - une vue d'ensemble qui pourrait introduire à des études plus poussées ou plus savantes.